À bord du Transsibérien 🚂 : Étape 3 – Iekaterinbourg
Décembre 2019 – Janvier 2020
Et ça y est, nous voici enfin à bord d’un des trains qui suit cette ligne mythique du transsibérien. Il faut savoir que ce tronçon reliant Moscou à Iekaterinbourg est beaucoup plus ancien que le reste du trajet. Mais, à l’origine, il ne passait pas du tout dans les mêmes villes et empruntait une voie plus au sud vers Samara et Oufa. Aujourd’hui, vous avez le choix entre une ligne sud : à choisir si vous avez l’intention de faire une petite halte à Kazan et voir sa cathédrale, et une ligne nord, celle que nous avons emprunté, plus directe. Première impression ? Premier pas dans la Russie orientale ? Je vous raconte tout, mais avant, sommaire :
- Prélude : Préparer son voyage ?
- Étape 1 : Saint-Pétersbourg
- Étape 2 : Moscou
- Étape 3 : Iekaterinbourg [article actuel]
- Étape 4 : Le lac Baïkal
- Étape 5 : Oulan-Oude & Oulan-Bator
- Étape 6 : La Mongolie rurale, Nalayh
En transit dans le 100ЭА
Je vais être assez concise, je me suis déjà pas mal exprimée sur le fonctionnement des trains dans mon premier article. Néanmoins, voici quelques points à savoir :
La première personne que vous rencontrerez dès votre entrée dans votre wagon est la provonidsa. Chez nous, je pense que l’on peut la comparer à un contrôleur, mais elle fait bien plus que vérifier vos titres de transport. C’est elle qui se charge de la bonne tenue du wagon : hygiène, bonne entente, respect du matériel … C’est la patronne. Et croyez-moi, mieux vaut ne pas la provoquer 😉. Pourquoi une femme ? J’avoue que c’est une bonne question, j’imagine que le métier est également ouvert aux hommes, mais nous n’avons rencontré que des femmes à ce poste durant nos trajets.
Vous pouvez d’ailleurs aller la voir pour qu’elle vous prête une des magnifiques tasses contre l’achat d’une dosette de café (кофе) ou d’un sachet de thé (чай). Pour la remplir, direction le samovar. Vous le savez sans doute, mais en Russie l’eau du robinet est plus ou moins potable. Dans le doute, mieux vaut la faire bouillir avant de la boire. Et pour cela, chaque wagon est équipé d’une énorme bouilloire. À l’origine l’eau était chauffée via cet instrument par du bois ou du charbon, désormais, tout est électrique. Il vous suffit de tourner le robinet et vous voilà avec votre tasse remplie d’eau bouillante.
En face du samovar, et généralement juste à côté du compartiment de la provonidsa se trouve un panneau d’affichage qui indique tous les arrêts que fera votre train. La plupart ne dépasseront pas les 2 minutes, mais je vous conseille tout de même de garder un œil sur votre position. Une manière de garder la notion de temps mais également de repérer les arrêts plus long pour lesquels vous pourrez aller vous dégourdir les jambes sur le quai, acheter de la nourriture ou encore griller une clope. Je ne sais pas si cela peut vous être utile, mais voici ceux du 100ЭА au départ de Moscou et jusqu’à Iekaterinbourg :
GARE | HEURE | PAUSE DE |
---|---|---|
Moscou Iaroslavl | 00:35 | |
Karimovo | 06:05 | 10 min |
Kostroma Novaya | 06:30 | 53 min |
Galich | 09:45 | 40 min |
Shar’ya | 13:35 | 15 min |
Kirov | 18:12 | 20 min |
CHANGEMENT D’HEURE | + 1 h | |
Balezino | 23:35 | 26 min |
CHANGEMENT D’HEURE | + 1 h | |
Perm | 05:21 | 56 min |
Iekaterinbourg | 11:35 |
Et oui, vous l’aurez remarqué, même sur ce trajet qui semble assez rapide (36 heures c’est assez peu vis-à-vis de ce qui nous attend dans les jours suivants) nous changeons 2 fois de fuseau horaire. Jusqu’en 2018, l’heure affichée dans le train était celle de Moscou et ne changeait pas pendant tout le trajet. Non seulement c’était un enfer pour la réservation des billets, mais cela vous faisait perdre toute notion de temps. Si pour 2 fuseaux horaires cela semble gérable, imaginez lorsque vous arrivez à Vladivostok avec 7 heures de décalage avec Moscou ? Heureusement pour nous, désormais, l’heure du train s’adapte tout au long du trajet.
Et pour finir voici quelques règles à respecter pour ne pas se mettre à dos les autres voyageurs et la provonidsa :
- Ta place c’est ta place : généralement vous l’aurez choisie en amont donc choisissez la bien car il sera difficile de l’échanger. Ne pensez pas pouvoir vous installer à une autre place et faire comme si de rien était, non, nous ne sommes pas en France 😉
- Pas de chaussures dans les wagons : apportez des pantoufles ou autre pour vous déplacer dans le train. Logique me direz vous, le train devient votre chambre et celle des autres.
- Les toilettes : ne vous faites pas d’illusions, ce n’est pas merveilleux. Ça pue, ce n’est pas très propre, mais on se fait violence et tout se passera bien. Après tout, nous ne sommes pas censés y rester des heures.
- Le linge de lit : la provonidsa vous en fournira dès votre arrivée dans le train, vous devrez faire votre lit et le défaire avant de partir. Les draps sales seront soit, récupérés par la provonidsa, soit vous lui déposerez devant son compartiment pour lui faciliter la tâche.
Iekaterinbourg : entre Europe et Asie
Nous quittons donc notre premier train pour faire une pause dans la ville de Iekaterinbourg. Trois raisons à cela : Iekaterinbourg est une ville plutôt intéressante sur le plan historique, elle est située à mi-chemin entre Moscou et Irkoutsk (notre prochain step important) et il était essentiel pour notre santé mentale de ne pas enchaîner plus de 80 heures de train, vous comprendrez facilement pourquoi 😅.
Nous arrivons à 11h35, départ prévu le jour même à 21h50.
Les transferts
L’un des avantages de voyager en train, c’est que, dans la majorité des cas, la gare est située en centre-ville. Pas besoin de prévoir un trajet supplémentaire pour accéder aux points d’intérêts. Et c’est le cas pour la gare de Iekaterinbourg-Passajirski qui est à 30 min à pied de l’artère principale de la ville.
À pied ? Oui … La ville a pourtant un métro mais honnêtement, il est dispensable, vous pouvez vous balader sans transports en commun.
Baromètre du froid
Est-ce qu’on se les caille ? Oui, clairement oui, ça y est on commence à rentrer dans les choses sérieuses. Je vous conseille de rajouter une couche avant de sortir de votre train car nous sommes à -14°C en moyenne dans la ville de Iekaterinbourg.
D’ailleurs, si comme nous, vous n’avez pas prévu de logement dans cette ville et que vous avez pour objectif de passer la journée à visiter, je vous conseille d’autant plus de vous couvrir. Car oui, vous allez rester en mouvement, mais il arrive un moment où votre corps ne se réchauffe plus de lui-même : une seule solution, entrer dans un bâtiment chauffé, prendre un café et y rester tant que vous n’aurez pas retrouvé une température supportable.
Un peu de contexte …
Pourquoi Iekaterinbourg ? C’est vrai que nous aurions très bien pu faire une halte à Novossibirsk, la capitale de la Sibérie, et pourtant c’est bien à Iekaterinbourg que nous avons posé nos pieds.
Cette ville, est la 4ème ville de Russie en nombre d’habitants, et elle est un véritable symbole sur plusieurs aspects.
Tout d’abord, elle se situe au pied de l’Oural, vous savez cette fameuse montagne qui est censée être la frontière naturelle entre l’Europe et l’Asie. Et d’ailleurs, une des raisons pour lesquelles nous voulions visiter la ville, est que nous caressions l’espoir de pouvoir louer une voiture pour nous rendre au Monument Europe-Asie, à 40km. Vous comprenez que nous nous sommes rapidement ravisés par manque de temps. Pour autant, si vous avez l’occasion de prolonger votre séjour, n’hésitez pas à vous y rendre. Cette frontière est marquée par un énorme obélisque en marbre rouge surplombé d’un aigle à deux têtes.
Vous pouvez lire sur l’esplanade Европа qui signifie Europe et Азия pour Asie 😉
Et si vous vous posez la question : est-ce que l’on a la sensation d’avoir changé de continent à Iekaterinbourg, la réponse est « non« . Pour moi, ce sentiment de changement je l’ai senti beaucoup plus à l’Est. Pour l’instant, nous sommes encore en Europe.
L’autre aspect important de cette ville se trouve dans son histoire contemporaine. Je vous en ai parlé dans mon article sur Saint-Pétersbourg : c’est à Iekaterinbourg que les Romanov ont connu leurs derniers instants. Et là encore, nous n’avons pas pu nous rendre au Ganina Yama, mais je vous conseille d’aller y faire un tour si le temps vous le permet.
A l’origine, et comme son nom l’indique, la fosse de Ganina était un puits de 2 mètres de profondeur situé dans la mine Four Brothers. Une fois avoir assassiné l’ensemble de la famille impériale, les bolcheviks ont voulu se débarrasser des corps pour effacer toute trace de l’empire. Deux raisons à cela : éviter que les corps ne deviennent des reliques pour les partisans de l’empire et semer le trouble dans les esprits en niant les faits ou en faisant croire à de potentiels survivants (Anastasia par exemple). C’est donc dans cette mine qu’ils se sont rendus pour y jeter les sept corps, Nicolas II, sa femme et ses 5 enfants.
Pour éviter toute identification, ils ont ensuite aspergé les corps d’acide sulfurique et placé des barres de chemin de fer par-dessus. Et hop, terminé bonsoir.
Seulement voilà, la disparition de la famille ne passa pas inaperçue, et une enquête fut ouverte pour savoir ce qu’il était arrivé. Dans la panique, les bolcheviks ont déplacé les corps pour créer une nouvelle sépulture dans un champ à 7 km de la fosse, le Porosyonkov Log ou le Ravin du porcelet (charmant). C’est ici qu’ont été retrouvés et identifiés les corps de la famille impériale.
En 2001 une chapelle fut construite à l’ancien emplacement de la fosse Ganina afin de rendre hommage aux Romanov. Ce sont en tout sept chapelles, symboles des 7 membres de la famille, qui ont été édifiées. Toutes en bois avec un toit vert, ce qui leur donne un aspect mystérieux.
Bon ok Charlotte, tu nous parles de ce que vous n’avez pas eu le temps de faire à Iekaterinbourg, mais vous avez fait quoi au juste ?
Et bien … je l’accorde, pas grand-chose 😅. En tout honnêteté, je pense que pour profiter un minimum d’une étape il faut y consacrer plus de temps que 10 heures entre deux trains. Le temps d’arriver, de prendre nos marques, de manger et de se réchauffer de temps en temps, il ne vous reste plus grand-chose … Nous l’avons appris à nos dépends. Pour autant, je ne regrette pas du tout cette étape, elle nous a permis de prendre l’air et de souffler un peu en n’ayant pas d’objectif précis de visite (ça fait du bien de temps en temps de lâcher prise 😉).
Iekaterinbourg : visites random
Premier point que nous souhaitons voir : l’Église de Tous-les-Saints. Et je vais continuer avec mes histoires de Romanov 😊. Comme je vous le racontai, les corps ont été jetés dans la fosse, mais où a été assassiné la famille ?! En plein cœur de Iekaterinbourg, dans la maison Ipatiev.
Iaptiev est le nom du troisième propriétaire de cette maison bourgeoise. Cette bâtisse était séparée entre les deux étages : au rez-de-chaussée, les bureaux pour l’entreprise de métallurgie, au premier étage, le lieu de vie du propriétaire et de sa famille. Le 27 avril 1918, notre petit monsieur Ipatiev fut gentiment convié à quitter sa maison dans les 2 prochains jours car cette dernière allait être réquisitionnée par les bolcheviks pour y mettre la famille Romanov en résidence forcée. Pas cool.
Trois mois plus tard, les bolcheviks menèrent la famille dans la cave de la villa et les massacra à coups de baïonnette. Et notre monsieur Ipatiev dans tout ça ? Et bien il ne remit plus jamais les pieds dans sa maison ! Celle-ci devient un entrepôt et plus tard un lieu de tourisme où nous pouvions faire des photos de groupe dans la cave devant les impacts de balles : glauque n’est-ce pas ?
En 1977, la démolition de la maison fut décidée et, en 1990, le terrain fut cédé à l’Église orthodoxe qui y construisit notre fameuse Église de Tous-les-Saints, nous y voilà !
En vérité, elle s’appelle l’Église sur le sang versé en l’honneur de tous les Saints resplendissants dans la Sainte-Russie, mais c’est un peu long. Vous remarquerez tout de même que nous sommes là encore sur une église « sur le sang versé » comme celle que vous trouverez à Saint-Pétersbourg en commémoration de l’empereur Alexandre II. Vous l’aurez compris, pour celle-ci, il s’agit du sang des derniers Romanov.
Juste en face, vous trouverez le temple de l’Ascension du Seigneur dont la couleur bleue est tout à fait envoutante dans ce paysage enneigé.
Longez ensuite l’Isset pour apprécier les bâtiments anciens de la ville et notamment la maison de N.I. Sébastyanova. Elle doit son architecture a son propriétaire Nikolai Ivanovich Sevastyanov qui missionna l’architecte Paduchev pour faire de cette maison un véritable exemple de l’art néo-gothique.
Ensuite, direction le café du Musée Boris Eltsine où il ne faudra pas être pressé pour prendre une boisson chaude … En effet, nous avons bien dû attendre 1 heure avant d’être servis. Ce n’est pas pour nous déranger, nous étions bien installés, au chaud … Mais c’est plutôt limite niveau service. Pour leur défense, c’est vrai que nous faisions un peu tâche dans ce lieu très chic avec notre dégaine de crasseux (pas de douche dans le train je vous le rappelle) et nos sacs à dos de touristes.
D’ailleurs si vous avez l’occasion de visiter le musée, il n’a pas l’air inintéressant. Je ne sais pas si vous vous rappelez de vos cours d’histoire, mais Eltsine est le premier président russe à être nommé au suffrage universel. Il prit la tête de la Russie en 1991, juste après la chute de l’URSS, jusqu’en 1999 et instaura un régime très libéral pour ce pays ce qui conduisit rapidement à son impopularité. À sa démission, il confia le pouvoir à un ex-agent du KGB : Vladimir Poutine. Au final, seuls 11% des Russes ont une opinion positive de Boris Eltsine, et ce centre a pour vocation d’éduquer la population sur la réalité des années 90 en Russie pour faire la lumière sur cette époque de grande transition.
Nous avons ensuite traversé l’Isset gelé à pied, pour rejoindre l’autre rive et se diriger vers des supermarchés pour faire le plein de nourriture avant le long trajet en train qui nous attendait. On en a bouffé des biscuits et des nouilles chinoises déshydratées … Tellement qu’aujourd’hui encore, j’ai du mal avec ces petites cups qui ont tous sauf l’air naturel 😅.
Puis direction la gare pour ne pas louper notre train. Et dans la salle d’attente nous retrouvons au plafond des fresques racontant l’histoire de la ville et notamment l’épisode des Romanov et la prise du pouvoir par les bolcheviks.
Aller, je vous l’accorde, cet article était plus dédié à l’histoire qu’au voyage en tant que tel. En effet, les spots les plus intéressants à Iekaterinbourg se situent en dehors de la ville … Peut-être que ce n’était pas le meilleur choix. Toujours est-il que nous étions d’attaque pour affronter les 55 heures de train qui nous attendaient.
Au programme du prochain article : je vous parle de notre second trajet en train, qui fut différent du premier, et de notre arrivée au lac Baïkal.
@Cwmtraff & TinyTwine